Café Littéraire Gourmand, mars 2024

Café Littéraire Gourmand de mars 2024

Le Printemps des Poètes

Poèmes de femmes, Régine Deforges

« Je vous promets, non seulement le plaisir de lire des grands poètes, mais aussi la surprise de la découverte d’un pan entier de notre culture. »
Régine Deforges

Autour d’un vers, Roger Mousseau

https://www.infolocale.fr/artistes/organisme-autour-dun-vers-548678/evenement-la-baule-escoublac-spectacle-printemps-des-poetes-8171471

L’automne des idées, la poésie adolescente, M’ribah Karim

Le plâtrier siffleur, Christian Bobin

« Les contemplatifs, quels qu’ils soient, peuvent être des poètes connus comme tels, mais ça peut être aussi un plâtrier en train de siffler comme un merle dans une pièce vide, ou une jeune femme qui pense à autre chose tout en repassant du linge. » Ce texte est issu d’une conversation dans la forêt. Il a pour auteur les sapins austères et les fougères lumineuses. Il y est question, mieux que dans un salon, de nos manières de vivre, c’est-à-dire de perdre. Le nom merveilleux de cette perte est la poésie – ou si l’on veut : l’humain. Christian Bobin

Le goûter du lion, OGAWA Ito

Ce qui fait de ce livre grave et pudique un roman solaire, c’est d’abord le lieu  : l’île aux citrons dans la mer intérieure du Japon, qu’il faut gagner en bateau  ; et encore, l’image magnifique de l’union de la mer, du ciel et de la lumière : la   mer scintillante, illuminée par un incroyable sourire, surplombée par la Maison du Lion, ce lieu de paix où Shizuko a choisi de venir pour vivre pleinement ses derniers jours en attendant la mort.
Avec elle, nous ferons la connaissance des pensionnaires – ses camarades, ses alliés et pour tout dire, sa nouvelle famille – ainsi que de la chienne Rokka qui s’attache à elle pour son plus grand bonheur. En leur compagnie, il y aura aussi les goûters du dimanche où grandit peu à peu son amour de la vie quand on la savoure en même temps qu’un dessert d’enfance, une vie qui aurait le goût de la fleur de tofu, d’une tarte aux pommes ou des mochis-pivoines.
Avec la délicatesse d’écriture que nous lui connaissons dans ses précédents romans, Ogawa Ito entraîne peu à peu Shizuko sur un chemin de poésie dont la mélodie possède la voix grave et conciliante d’un violoncelle  ; un chemin apaisé comme pour dire la gratitude d’exister.

La Papeterie Tsubaki, OGAWA Ito

Hatoko a vingt-cinq ans et la voici de retour à Kamakura, dans la petite papeterie que lui a léguée sa grand-mère. Le moment est venu pour elle de faire ses premiers pas comme écrivain public, car cette grand-mère, une femme exigeante et sévère, lui a enseigné l’art difficile d’écrire pour les autres.
Le choix des mots, mais aussi la calligraphie, le papier, l’encre, l’enveloppe, le timbre, tout est important dans une lettre. Hatoko répond aux souhaits même les plus surprenants de ceux qui viennent la voir?: elle calligraphie des cartes de vœux, rédige un mot de condoléances pour le décès d’un singe, des lettres d’adieu aussi bien que d’amour. A toutes les exigences elle se plie avec bonheur, pour résoudre un conflit, apaiser un chagrin.
Et c’est ainsi que, grâce à son talent, la papeterie Tsubaki devient bientôt un lieu de partage avec les autres et le théâtre de réconciliations inattendues. »

Le restaurant de l’amour retrouvé, OGAWA Ito

Une jeune femme de vingt-cinq ans perd la voix à la suite d’un chagrin d’amour, revient malgré elle chez sa mère, figure fantasque vivant avec un cochon apprivoisé, et découvre ses dons insoupçonnés dans l’art de rendre les gens heureux en cuisinant pour eux des plats médités et préparés comme une prière.
Rinco cueille des grenades juchée sur un arbre, visite un champ de navets enfouis sous la neige, et invente pour ses convives des plats uniques qui se préparent et se dégustent dans la lenteur en réveillant leurs émotions enfouies.
Un livre lumineux sur le partage et le don, à savourer comme la cuisine de la jeune Rinco, dont l’épice secrète est l’amour. Un petit chef-d’oeuvre gastronomique et littéraire. (Marjorie Alessandrini, Le Nouvel Observateur).

Les Délices de Tokyo, Durian Sukegawa

«  Écouter la voix des haricots  »  : tel est le secret de Tokue, une vieille dame aux doigts mystérieusement déformés, pour réussir le an, la pâte de haricots rouges qui accompagne les dorayaki, des pâtisseries japonaises. Sentarô, qui a accepté d’embaucher Tokue dans son échoppe, voit sa clientèle doubler du jour au lendemain, conquise par ses talents de pâtissière. Mais la vieille dame cache un secret moins avouable et disparaît comme elle était apparue, laissant Sentarô interpréter à sa façon la leçon qu’elle lui a fait partager.
Magnifiquement adapté à l’écran par la cinéaste Naomi Kawase, primée à Cannes, le roman de Durian Sukegawa est une ode à la cuisine et à la vie. Poignant, poétique, sensuel  : un régal.
 
Une superbe déclaration d’amour aux sens.  Elle.

Panorama, Lilia Hassaine

« C’était il y a tout juste un an. Une famille a disparu, là où personne ne disparaissait jamais. On m’a chargée de l’enquête, et ce que j’ai découvert au fil des semaines a ébranlé toutes mes certitudes. Il ne s’agissait pas d’un simple fait-divers, mais d’un drame attendu, d’un mal qui irradiait tout un quartier, toute une ville, tout un pays, l’expression soudaine d’une violence qu’on croyait endormie. » Hélène, ex-commissaire de police, reprend du service pour retrouver un couple et leur petit garçon, Milo. Elle rencontre les dernières personnes à avoir été en contact avec eux. Depuis que la France a basculé dans l’ère de la Transparence, ces hommes et ces femmes vivent dans un monde harmonieux, libéré du mal, où chacun évolue sous le regard protecteur de ses voisins. Mais au cours de son enquête, Hélène va dévoiler une vérité aussi surprenante que terrifiante. À travers cette contre-utopie, c’est le monde d’aujourd’hui que l’auteur interroge. Ce roman haletant montre des êtres en proie à leurs pulsions et à leurs fêlures derrière leur apparente perfection.

La vie heureuse, David Foenkinos

« Jamais aucune époque n’a autant été marquée par le désir de changer de vie. Nous voulons tous, à un moment de notre existence, être un autre. »

Annabelle, Lina Bengtsdotter

En quittant Gullspång à l’âge de quatorze ans, Charlie Lager s’était juré de ne plus jamais y retourner. Mais cette petite ville perdue en plein cœur de la Suède, où chômage et alcool ont peu à peu érodé tout espoir d’un avenir meilleur, est aujourd’hui sous le feu des projecteurs. Annabelle, dix-sept ans, a disparu au cours d’une fête à laquelle elle avait pourtant l’interdiction de se rendre. Cela fait quatre jours qu’elle n’a plus donné signe de vie.
Devenue inspectrice à la brigade criminelle de Stockholm, Charlie est envoyée sur place pour enquêter. Fugue, enlèvement, suicide, meurtre ? Toutes les hypothèses sont permises. Toutefois, une chose est sûre : pour retrouver Annabelle, Charlie devra combattre ses vieux démons et déterrer ce qu’elle avait mis tant d’années à enfouir au plus profond d’elle-même.

Les danseurs de l’aube, Marie Charrel

Europe centrale, années 1930. Après avoir fui la révolution russe, les jumeaux Sylvin et Maria Rubinstein se découvrent un talent fulgurant pour le flamenco. Très vite, Varsovie, Berlin et même New York sont à leurs pieds. Lorsque le continent sombre dans la guerre, ils sont séparés, et Maria disparaît. Pour la venger, Sylvin prend l’identité de sa sœur pour danser travesti en femme et s’engage dans la Résistance.
Hambourg, 2017. Lukas, jeune homme à l’identité trouble, rencontre la sulfureuse Iva sur la scène où Sylvin se produisait autrefois. Fuyant leur passé, ils partent à leur tour en road-trip dans l’Europe interlope. Au fil des cabarets, leur flamenco incandescent et métissé enflamme les passions. Mais il suscite aussi la violence et l’intolérance. Jusqu’à ce que Lukas commette l’irréparable pour protéger Iva…

Les deux récits se répondent en écho à un siècle d’intervalle et donnent un souffle exceptionnel à ce roman envoûtant et fascinant. Page des libraires.

La cabane à 91 étages

Bienvenue dans la cabane la plus cool du monde !
La nouvelle mission d’Andy et Terry ? S’occuper des petits-enfants de M. Gros Nez.
Andy et Terry vivent dans une cabane à 91 étages avec un labyrinthe de la mort, une fosse à crocos, un trampoline sans filet, des sables mouvants, un bassin aux requins, des poulets sorciers, une maison hantée, une catapulte géante et un Trompinator… Impossible de s’ennuyer !
D’autant que les deux héros de la cabane ont un livre à écrire. Mais au fait, où sont passés les petits-enfants de M. Gros Nez ?
Tu veux les chercher avec Andy et Terry ? Ouvre ce livre !

Leçons, Ian Mac Ewan

Alors que la menace de Tchernobyl plane sur l’Europe, la vie londonienne de l’aspirant poète Roland Baines se fissure soudainement. Peu après la naissance de leur fils, son épouse l’abandonne pour se consacrer à l’écriture de son roman, plutôt qu’à son rôle de mère. Commence alors pour Roland une trépidante exploration de son passé afin de remonter aux prémices d’un tel échec. Par bribes se dévoilent ses premières années vécues en Libye auprès d’un père tyrannique. Puis son arrivée forcée en Angleterre en 1962 où il rejoint un pensionnat austère à l’âge de douze ans. Là débutent de curieuses leçons de piano, avec sa très sévère et follement lubrique professeure, Miriam Cornell. Roland prend ensuite le large vers l’Allemagne, puis il tombe amoureux d’Alissa qui partage son goût pour la littérature.
Les années passent, le monde dysfonctionne toujours davantage, et Roland ne parvient jamais à reprendre sa vie en main ni à en tirer de leçons. Et si retrouver son ancienne professeure de piano pouvait le libérer ?
Roman ambitieux au souffle impressionnant, Leçons raconte la grande épopée d’une vie faite de rêves abîmés. L’intime se mêle ici magistralement à la grande Histoire, dépeinte brillamment par Ian McEwan qui nous offre un antihéros au charme irrésistible et une réflexion passionnante sur la vocation artistique.

La louisiane, Julia Malye

Pour la première fois depuis trois mois, elles discernent enfin le sable que leur cachait l’eau lors de la traversée de l’Atlantique, ce fond de l’océan qu’elles ont brièvement aperçu ce matin en débarquant de  La Baleine. Personne ne leur a expliqué où elles seraient logées ce soir, dans combien de temps elles seraient fiancées. On ne dit pas tout aux femmes.
 

Paris, 1720. Marguerite Pancatelin, la Supérieure de la Salpêtrière, est mandatée pour sélectionner une centaine de femmes « volontaires » qui seront envoyées en Louisiane afin d’y épouser les colons français.

Parmi elles, trois amies improbables : une orpheline de douze ans à la langue bien pendue, une jeune aristocrate désargentée et rejetée par sa famille ainsi qu’une femme condamnée pour avortement. Comme leurs compagnes à bord de  La Baleine, Charlotte, Pétronille et Geneviève ignorent tout de ce qui les attend au-delà des mers. Et n’ont pas leur mot à dire sur leur avenir. 

Ces étrangères réunies par le destin devront braver l’adversité – maladie, guerre, patriarcat –, traverser une vie faite de chagrins d’amour, de naissances et de deuils, de cruauté et de plaisirs inattendus. Et d’une amitié forgée dans le feu.
 

Un roman d’une profondeur et d’une émotion saisissantes, qui nous transporte au cœur d’une terre impitoyable, aux côtés d’héroïnes animées d’une extraordinaire soif d’amour et de vie.

Le temps des féminismes, Michelle Perrot

On ne naît pas féministe, alors comment le devient-on  ? Précurseure de l’histoire des femmes, Michelle Perrot, 94 ans, livre ici un magnifique texte à la fois intime et théorique, livre d’histoire et autobiographie. Celle à qui son père conseillait de ne pas se mettre trop tôt un homme sur le dos, qui se rappelle avoir toujours voulu être comme les autres, abolir les différences avec les hommes, aborde son cheminement, de l’engagement chrétien au féminisme en passant par le communisme. Son itinéraire intellectuel, depuis sa thèse où elle voit rétrospectivement un regard presque masculin sur les femmes, donne à voir un siècle de changements sociétaux et la profondeur historique des luttes qui agitent aujourd’hui nos sociétés.
Première historienne à enseigner l’histoire des femmes en France, en 1973, Michelle Perrot nous emmène dans une épopée au féminin en explorant toutes ses ramifications  : l’histoire de l’accession à l’égalité, l’histoire du patriarcat, l’histoire du mouvement féministe et des grands débats qui l’ont parcouru et structuré, sur le corps, le genre, l’universalisme contre le différentialisme, la sororité, MeToo. Dans ces pages, la grande histoire se mêle au destin des femmes qui ont porté leur cause et l’on voisine avec Artemisia Gentileschi, Olympe de Gouges, Lucie Baud, Christine Bard, Hubertine Auclert  ; l’on dialogue avec Monique Wittig, Arlette Farge, Yvette Roudy, Antoinette Fouque…
La pensée lumineuse de Michelle Perrot, sans rien omettre des sujets les plus épineux, permet de déconstruire et parfois même de dépasser les clivages du féminisme contemporain. Le livre essentiel d’une pionnière, témoin d’un siècle de féminisme, dont l’engagement n’a d’égal que sa hauteur de vue.

Laisser un commentaire